• 14 novembre 2019

Le printemps de 68

Le printemps de 68

Le printemps de 68 1024 650 VEA

Jim Clark, 25 victoires et 33 pole positions en 72 Grands Prix.

On le voit ici à l’issue du GP de Belgique qu’il a remporté en 1960.
La tristesse que l’on lit dans ses yeux provient du décès durant la course de son co-équipier, Alan Stacey.

Photo du célèbre Jesse Alexander: www.artandtheautomobile.com

Jim Clark et la Cortina Lotus, photo emblématique qui a longtemps orné le mur de ma chambre d’adolescent.

Le printemps de 68

Alain Raymond, collaboration spéciale

Les médias nous ont récemment rappelé l’année mouvementée que fut 1968 et ce « printemps de la contestation » qui a marqué la naissance d’une nouvelle ère et relégué aux archives de l’histoire les comportements, les mentalités et les croyances qui ont régné sur le monde occidental jusqu’aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale.

Si le printemps de 68, dont on célèbre cette année le 50e anniversaire remplit les livres d’histoire moderne, il marque aussi le très triste anniversaire de la disparition tragique d’un homme simple mais immensément talentueux, l’idole de toute une génération d’amateurs de Formule 1.

Un fermier écossais

Il s’appelait Jim Clark. Né en 1936, ce fils de fermiers écossais se découvre très tôt et à la grande surprise de ses parents une passion pour le sport automobile. À 20 ans, il débute sur une modeste Sunbeam Talbot et poursuit son apprentissage en s’inscrivant à des courses de club sur une Porsche appartenant à un ami. Ses débuts en monoplace remontent à 1959, à Brands-Hatch, au volant d’une Gemini. Parmi les spectateurs, un certain Colin Chapman, père de l’équipe Lotus. « Dès que je l’ai vu à l’œuvre, j’ai compris. Jim possède un talent incroyable, ses qualités sautent aux yeux. Son style frôle la perfection et dès qu’il aura entre les mains une monoplace de première place, il sera imbattable… » prédit le Britannique.

Chapman avait vu juste. À son premier Grand Prix, en Hollande, en 1960, Clark se hisse à la 4e place avant d’abandonner. Il marque ses premiers points à la course suivante en Belgique. En 1962, Clark et sa Lotus 25 signent sept pole positions et trois victoires et disputent à la dernière course de la saison le championnat à Graham Hill. Un écrou moteur qui cède lui coûte la victoire et le titre, mais le duo Chapman-Clark se reprennent en 1963 en remportant sept victoires sur dix courses et le championnat du monde. En 1965, « une année particulièrement faste », Clark remporte à nouveau les honneurs en Formule 1 et se paye la victoire aux 500 Milles d’Indianapolis. À 29 ans, le petit Écossais domine et fait figure de référence absolue dans le monde du sport automobile, tant sur monoplace que sur d’autres types de voitures, sur circuit routier, piste ovale et en rallye. C’est d’ailleurs sa polyvalence qui explique en partie sa popularité sans bornes. Une polyvalence doublée d’une simplicité frôlant la timidité qui lui vaut le titre non officiel de dernier « gentleman pilote ».

Le même sort

En avril 1968, lors d’une course de Formule 2 courue sur le tracé de Hockenheim, en Allemagne, la petite Lotus de Clark quitte soudainement la piste et termine sa course contre un arbre. Je me souviens clairement de cet instant, quand la radio a annoncé la mort de Jim Clark. Pourtant je le pensais invincible, éternel. Quatorze ans plus tard, mon fils alors âgé de 10 ans, portera le même deuil, celui de son idole, Gilles Villeneuve, le « piccolo grande Canadese », comme l’avait surnommé Enzo Ferrari. Même passion, même talent, même soif de vaincre, même sort. L’un avait 32 ans, l’autre 30.

La fiancée

Permettez-moi, chers lecteurs, de terminer cet hommage par un épisode personnel que j’ai vécu il y a quelques années au Circuit Mt-Tremblant, lors du Sommet des Légendes. J’étais dans le paddock, près de ma voiture, lorsqu’une petite dame d’un certain âge s’approche de moi pour admirer, dans un accent très britannique, ma petite Abarth. « J’ai connu ces voitures sur les circuits d’Europe dans les années 60 lorsque je suivais mon fiancé… », me dit-elle. « Votre fiancé? ». « Oui, je m’appelle Sally Stokes, j’étais la fiancée de Jimmy Clark…».

Je ne suis pas superstitieux, mais serait-il possible que Jimmy lui ait soufflé de l’au-delà : « Va faire un tour dans le paddock et dis bonjour de ma part au gars à l’Abarth rouge. Je crois qu’il a pleuré le 6 avril 1968… »?

La même année (1968) :

  • Mai 68 : le mouvement de contestation étudiant se propage dans la plupart des pays d’Occident et se solde par l’instauration de « l’ordre nouveau ».
  • Pierre Elliott Trudeau devient premier ministre, succédant à Lester B. Pearson.
  • Au Québec, décès de Daniel Johnson (père). Jean-Jacques Bertrand lui succède. René Lévesque fonde le Parti québécois.
  • Les forces russes et du Pacte de Varsovie envahissent la Tchécoslovaquie pour écraser les forces libérales.
  • Aux États-Unis, assassinats successifs de Martin Luther King, Jr. et du sénateur Robert F. Kennedy. Richard Nixon est élu président, tandis que la guerre du Viêt-Nam fait rage (offensive du Tet et massacre de civils à My Lai).
  • Les Canadiens de Montréal remportent la Coupe Stanley.
  • Décès de Jim Clark*.

* Pour un récit plus complet de la vie Jim Clark, lisez Winning Is Not Enough, la récente autobiographie de Jackie Stewart.

Jim Clark et la Cortina Lotus, photo emblématique qui a longtemps orné le mur de ma chambre d’adolescent.

Sally Stokes et Jim Clark

Le printemps de 68

Alain Raymond, collaboration spéciale

Les médias nous ont récemment rappelé l’année mouvementée que fut 1968 et ce « printemps de la contestation » qui a marqué la naissance d’une nouvelle ère et relégué aux archives de l’histoire les comportements, les mentalités et les croyances qui ont régné sur le monde occidental jusqu’aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale.

Si le printemps de 68, dont on célèbre cette année le 50e anniversaire remplit les livres d’histoire moderne, il marque aussi le très triste anniversaire de la disparition tragique d’un homme simple mais immensément talentueux, l’idole de toute une génération d’amateurs de Formule 1.

Un fermier écossais

Il s’appelait Jim Clark. Né en 1936, ce fils de fermiers écossais se découvre très tôt et à la grande surprise de ses parents une passion pour le sport automobile. À 20 ans, il débute sur une modeste Sunbeam Talbot et poursuit son apprentissage en s’inscrivant à des courses de club sur une Porsche appartenant à un ami. Ses débuts en monoplace remontent à 1959, à Brands-Hatch, au volant d’une Gemini. Parmi les spectateurs, un certain Colin Chapman, père de l’équipe Lotus. « Dès que je l’ai vu à l’œuvre, j’ai compris. Jim possède un talent incroyable, ses qualités sautent aux yeux. Son style frôle la perfection et dès qu’il aura entre les mains une monoplace de première place, il sera imbattable… » prédit le Britannique.

Chapman avait vu juste. À son premier Grand Prix, en Hollande, en 1960, Clark se hisse à la 4e place avant d’abandonner. Il marque ses premiers points à la course suivante en Belgique. En 1962, Clark et sa Lotus 25 signent sept pole positions et trois victoires et disputent à la dernière course de la saison le championnat à Graham Hill. Un écrou moteur qui cède lui coûte la victoire et le titre, mais le duo Chapman-Clark se reprennent en 1963 en remportant sept victoires sur dix courses et le championnat du monde. En 1965, « une année particulièrement faste », Clark remporte à nouveau les honneurs en Formule 1 et se paye la victoire aux 500 Milles d’Indianapolis. À 29 ans, le petit Écossais domine et fait figure de référence absolue dans le monde du sport automobile, tant sur monoplace que sur d’autres types de voitures, sur circuit routier, piste ovale et en rallye. C’est d’ailleurs sa polyvalence qui explique en partie sa popularité sans bornes. Une polyvalence doublée d’une simplicité frôlant la timidité qui lui vaut le titre non officiel de dernier « gentleman pilote ».

Le même sort

En avril 1968, lors d’une course de Formule 2 courue sur le tracé de Hockenheim, en Allemagne, la petite Lotus de Clark quitte soudainement la piste et termine sa course contre un arbre. Je me souviens clairement de cet instant, quand la radio a annoncé la mort de Jim Clark. Pourtant je le pensais invincible, éternel. Quatorze ans plus tard, mon fils alors âgé de 10 ans, portera le même deuil, celui de son idole, Gilles Villeneuve, le « piccolo grande Canadese », comme l’avait surnommé Enzo Ferrari. Même passion, même talent, même soif de vaincre, même sort. L’un avait 32 ans, l’autre 30.

La fiancée

Permettez-moi, chers lecteurs, de terminer cet hommage par un épisode personnel que j’ai vécu il y a quelques années au Circuit Mt-Tremblant, lors du Sommet des Légendes. J’étais dans le paddock, près de ma voiture, lorsqu’une petite dame d’un certain âge s’approche de moi pour admirer, dans un accent très britannique, ma petite Abarth. « J’ai connu ces voitures sur les circuits d’Europe dans les années 60 lorsque je suivais mon fiancé… », me dit-elle. « Votre fiancé? ». « Oui, je m’appelle Sally Stokes, j’étais la fiancée de Jimmy Clark…».

Je ne suis pas superstitieux, mais serait-il possible que Jimmy lui ait soufflé de l’au-delà : « Va faire un tour dans le paddock et dis bonjour de ma part au gars à l’Abarth rouge. Je crois qu’il a pleuré le 6 avril 1968… »?

La même année (1968) :

  • Mai 68 : le mouvement de contestation étudiant se propage dans la plupart des pays d’Occident et se solde par l’instauration de « l’ordre nouveau ».
  • Pierre Elliott Trudeau devient premier ministre, succédant à Lester B. Pearson.
  • Au Québec, décès de Daniel Johnson (père). Jean-Jacques Bertrand lui succède. René Lévesque fonde le Parti québécois.
  • Les forces russes et du Pacte de Varsovie envahissent la Tchécoslovaquie pour écraser les forces libérales.
  • Aux États-Unis, assassinats successifs de Martin Luther King, Jr. et du sénateur Robert F. Kennedy. Richard Nixon est élu président, tandis que la guerre du Viêt-Nam fait rage (offensive du Tet et massacre de civils à My Lai).
  • Les Canadiens de Montréal remportent la Coupe Stanley.
  • Décès de Jim Clark*.

* Pour un récit plus complet de la vie Jim Clark, lisez Winning Is Not Enough, la récente autobiographie de Jackie Stewart.

Jim Clark, 25 victoires et 33 pole positions en 72 Grands Prix.

On le voit ici à l’issue du GP de Belgique qu’il a remporté en 1960.
La tristesse que l’on lit dans ses yeux provient du décès durant la course de son co-équipier, Alan Stacey.

Photo du célèbre Jesse Alexander: www.artandtheautomobile.com

Jim Clark et la Cortina Lotus, photo emblématique qui a longtemps orné le mur de ma chambre d’adolescent.

Jim Clark et la Cortina Lotus, photo emblématique qui a longtemps orné le mur de ma chambre d’adolescent.

Sally Stokes et Jim Clark

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